Je google, tu googles, nous googlons…
"Google payerait-il la rançon de son succès ? La marque du puissant moteur de recherche, quatrième site le plus visité au monde, selon Nielsen-Ratings, est passé, aux Etats-Unis du moins, dans le langage courant. Le nom est, à l'origine, une déformation du mot "googol", terme mathématique peu usité, qui désigne le nombre formé par le chiffre 1 suivi de cent zéros. Un symbole, pour les fondateurs de la compagnie, de la richesse d'informations disponibles sur Internet. Les quelque vingt millions de visiteurs mensuels américains du site leur ont en quelque sorte donné raison : ils ont fait de la marque un verbe qui signifie "rechercher une information sur la Toile". Une aubaine, pense-t-on, pour les dirigeants de la compagnie, qui s'économisent ainsi de coûteuses campagnes de publicité. Tel n'est pourtant pas l'avis des avocats de Google, qui veulent contrer cette tendance. Ils ont ainsi, selon la BBC, fortement conseillé à Paul McFredies, responsable du site lexicographique Word Spy, de spécifier qu'il s'agit bien d'une marque déposée. Le but est d'éviter le phénomène de dégénérescence de la marque, bien connu des spécialistes du droit des marques. "Quand une marque devient un nom commun, elle dégénère et son dépositaire en est dépossédé ", explique Jérôme Perlemuter, avocat à la cour, et spécialiste des technologies de l'information et des communications au cabinet Salans. "Il ne peut alors plus protéger sa marque de la concurrence qui, poursuit-il, peut bénéficier de la notoriété de cette marque en proposant un produit équivalent portant le même nom". L'entreprise américaine pourrait alors intenter une action en contrefaçon contre l'usurpateur de sa marque.
Que peuvent bien faire les avocats de Google, puisque ce ne sont pas ses concurrents, mais la presse ou des dictionnaires qui s'emparent du néologisme ? Les exemples de marques passées dans le dictionnaire sont nombreux : aux Etats-Unis, Xerox et Hoover, déclinés en verbe, signifient respectivement photocopier et passer l'aspirateur. Kleenex est défini comme un mouchoir en papier jetable dans les dictionnaires d'anglais comme ceux de français. Dans ces derniers, on trouve aussi Frigidaire, marque déposée en 1922, et devenue synonyme de réfrigérateur. Pour éviter toute confusion, les auteurs du Petit Larousse ont ajouté une majuscule à ces noms communs et il est bien précisé qu'il s'agit d'une marque déposée. "Nous n'avons jamais eu de problèmes avec les compagnies concernées, sauf avec Pierrade, système de pierre chauffante pour cuire des aliments, qui a refusé son entrée dans le Petit Larousse", commente Yves Garnier, directeur du département des encyclopédies chez Larousse. Les entreprises sont moins tendres avec la presse. Le dépositaire de la marque Caddie a été particulièrement procédurier à la fin des années 1990 : pour n'avoir pas mis de majuscules, Libération, Le Figaro et VSD ont ainsi été condamnés à payer de lourds dommages et intérêts à l'entreprise, qui invoquait le fait que sa marque était attaquée.
Il reste que Google ne pourra pas empêcher une pratique étonnante, rapportée par Word Spy, qui va sans doute accélérer la diffusion de sa marque dans le langage courant. Les célibataires américains les plus branchés n'hésitent pas à "googler" le dernier élu de leur cœur, afin d'obtenir le maximum d'informations le concernant !
LEMONDE.FR 22.08.03"
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